Répondant à ma question indirecte sur l’origine du miracle qu’elle représentait, celle dont je venais d’apprendre le nom, « KCT-023 », m’apportait alors des précisions sur le secret de sa conception. Bien malheureusement, elle-même ne semblait pas connaître les détails ayant fait de l’androïde ce qu’elle était aujourd’hui, sachant simplement que toutes les tentatives tentant à reproduire un être similaire avaient échouées. En fait, si l’entité semblait savoir expliquer aisément ce qu’elle était, le « pourquoi » et « comment » restaient des mystères :
« Oh… ainsi tu es unique. Si je comprends bien, ce que tu es maintenant est un mélange entre un programme inné et un apprentissage par mimétisme ? Tu n’étais dotée au départ que des caractéristiques que les conditions de ta création t’ont prodiguées, et ton évolution fût influencée par l’expérience et les évènements que tu as rencontrés. Deux critères que tes imitations n’ont certainement pas pu reproduire, ou du moins pas d’une façon assurant la pérénité. Peut-être n’est-ce qu’un détail, ou une série de choses banales de premier abord, qui misent ensembles assurent la survie de ce que tu es. Oh… »
Prenant conscience d’une chose, un petit rire m’échappa :
« Hihi… C’est amusant, comme cette évolution est similaire à la naissance des premiers éléments d’une race intelligente, je trouve ! Des millions de sujets potentiels, mais seulement une poignée validant la série de conditions nécessaires leur assurant l’évolution. Peut-être que les expériences visant à t’imiter ont échouées, mais que l’une d’entre elles réussira un jour ? Et des connaissances acquises par une nouvelle réussite, un troisième spécimen pourrait voir le jour, et ainsi de suite… ooh, cela est bien dommage qu’il ne s’agisse pas de ma réalité natale, voilà un domaine qui m’enchanterait d’explorer ! Même si le Codex ne possède pas beaucoup d’informations à ce sujet, il s’agit tout de même une source de savoir non-négligeable, et peut-être détient-il l’élément manquant à l’équation qui te compose ?
C’est déjà arrivé là d’où je viens ! Deux personnes ont tenté de réaliser le même rituel de pseudo-immortalité, mais à plusieurs millénaires d’intervalle. Le premier était une fée, dotée d’une grande proximité avec la Magie, mais utilisant des méthodes antiques et freinées par le système strict qui régissait ce peuple endoctriné par le divin. Le second était un explorateur humain ayant accès à de complexes ateliers laissés à l’abandon depuis le Cataclysme. Oh, de telles machines et ses connaissances lui auraient permis de concevoir un sortilège de ce niveau, mais les humains comprenaient mal le fonctionnement de la magie à cette époque, et les temps troublés ne laissaient que peu de place à l’éducation et le partage des savoirs.
Mais grâce au Codex, mon Cercle et moi avons pu inférer les connaissances de ces deux êtres, et rédiger le rituel qu’ils cherchaient tous les deux, sans même savoir que quelqu’un dans la trame temporelle avait eu ou aurait les éléments manquants à leur recherche.
Enfin… sans mon Cercle je ne suis pas sûre de parvenir à grand-chose, si ce n’est établir la théorie. Mais ça vaudra le coup d’essayer… un jour, ahah. Ce qui est au final peu probable puisque cela demanderait à ce que j’aille dans ton monde… ou que tu ailles dans le mien… Oh… c’est vraiment embêtant d’être bloquée ici. Il y a plein d’univers plein de connaissances, et dire que je suis lin d’avoir finie de transmettre celles sur le mien… ah… de quoi est-ce que je parlais déjà ? »
Me frottant le front de confusion, je décidais de me préoccuper de l’interrogation de KCT-023, concernant le risque de distorsion temporelle entre cet univers et le mien :
« Mh… Eh bien, l’Espace et le Temps ne sont pas si différents, en vérité. Puisque je ne sais pas comment tu es constituée, je ne vais pas m’avancer, mais je suis sûre que dans mon cas, si les lois physiques, comme la gravité, l’électromagnétisme ou la relativité étaient si différentes, j’aurais très certainement senti une différence. Le corps humain n’aime vraiment pas les changements brutaux de milieu qui diffèrent de ses habitants, ça non ! Néanmoins, cela serait aisément réglé par un sort nous adaptant à ce nouvel environnement à notre insu, chose qui serait réalisable par les dieux que j’eus connu, alors il est probable que la Dame possède un tel pouvoir.
Quand bien même, l’existence d’une telle variation n’a pas empêché la Dame de nous appeler et donc d’outrepasser complètement les différences spatio-temporelles entre cet univers et ceux de ses hérauts. Si elle a pu cibler spécifiquement des êtres dans des lieux et époques précieuses, il n’est pas aberrant de conjecturer que le même pouvoir peut être appliqué dans le sens inverse : Renvoyer une personne vers un lieu et un moment précis. Après tout, en quoi le défilement du temps sur Bariande influerait sur le défilement du temps en dehors ? Je ne serais même pas surprise d’apprendre que la définition de « Temps » ici soit entièrement différente de celle de ma réalité, ou de la tienne.
Mais, si l’on admet que ce ne soit pas le cas et qu’elle soit limitée pour une quelconque raison à un instant particulier, un hypothétique instant « Présent » commun à toutes les réalités, –ce qui pourrait vouloir dire qu’il existe un espace-temps global et multiversel, ce qui n’est pas rien !-, eh bien… »
Durant un instant, je restais bloquée, le regard dans le vide. Eh bien quoi ? Qu’arriverait-il si je me retrouvais dans une époque tellement lointaine qu’elle n’aurait plus de sens ni pour moi, ni pour mes connaissances ? Si le rôle de Scribe n’avait plus lieu d’être ? S’il n’y avait… plus personne ? Je devais transmettre tout mon savoir… mais si l’intégralité de celui-ci était déjà devenu connu ou obsolète ? Au bout de dix, ou cent millénaires ?
La Scribe… disparaîtrait.
Prise de tremblements face à cette éventualité, mes paroles se faisaient plus confuses :
« n-non…ce n’est pas… impossible, enfin… ce serait…. comme arriver dans un monde inconnu… avec des bagages inutiles…. Ahah… un peu comme maintenant… »
Tombant en arrière, je me repliais sur moi-même, sentant mon esprit délirer :
« la scribe ne peut pas disparaître, la scribe ne peut pas disparaître, la scribe ne peut pas disparaître, la scribe ne peut pas disparaître… »