Avec : SoloMusiqueC’était non sans prestige que je m’avançais dans les rues de la ville. Cela faisait étrange, je l’admettais, que les gens s’écartent de ma voie, qu’ils tournent le regard humblement et que même certains se courbent pour me présenter leurs plus beaux hommages. Comme quoi tout était véritablement une sorte de mélange de castes et de hiérarchie, un jeu auquel l’humanité adorait se plier. Tout n’était que relation, puissance et pouvoir, un moyen particulier qui permettait de remplacer la force physique par d’autres moyens plus subtils… Ce n’était plus le tour de bras qui faisait les chefs, mais le charisme et l’opportunisme… En vérité, surtout l’opportunisme, mais c’était dans le cas d’actions, car là, dans cette communauté immense, c’était uniquement le sang qui prédominait. Etre l’enfant de la bonne personne changeait toute une vie, et c’était le cas de l’impératrice après tout…
J’étais obligée après tout de reconnaître les avantages d’une telle situation, en tout cas dans l’immédiat. Par rapport à la manière dont on me traitait encore la veille, comme une Skure si j’étais à jour sur le comportement des habitants d’Heabury, il y avait une évolution notable. C’était presque l’opposé en somme, et à l’exception des Albas, très rare, j’étais à l’aise grâce à cette évolution, même si je percevais tout de même des regards particulièrement curieux à mon égard, bien que discrets… Les gens devaient se poser des questions sur pourquoi j’étais aussi… Particulière…
En effet, même si je portais toujours ma tenue habituelle, qui servait à masquer à la perfection l’ensemble de mon corps (à l’exception des articulations, qui permettaient de dégager la chaleur en plus d’avoir plus de mobilité dans mes mouvements), je portais une petite cape dorée. Cette dernière avait été cousue sur ma demande il y a moins d’une heure, et elle suffisait amplement à me valider comme faisant partie des Orus. Une démarche qu’il avait fallut valider administrativement, en même temps que l’on me forgeait une pierre, adaptée à mon bandeau, pour toujours avoir le sceau des dieux sur moi. Je n’étais pas particulièrement friande de dévotion, mais si cela suffisait pour permettre aux hérauts de vivre, alors je m’y plierai… Temporairement du moins, le temps d’obtenir suffisamment d’influence et de puissance. Après, je ne pouvais le garantir…
Ce fut en tout cas munie d’un parchemin que je parcourais les rues. Dans l’immédiat, je n’avais guère de problème, sauf si ce problème s’appelait un enfant qui venait de me percuter à vive allure. Il réussit à me faire chanceler un peu, mais c’était surtout pour lui que cela avait dût être douloureux. Après tout, il venait de foncer épaule en avant contre un mur d’acier. Il était au sol, à quelques mètres derrière moi, se tenant douloureusement l’épaule après ce choc qui lui avait été bien douloureux. D’ordinaire, cela aurait été un simple accident, néanmoins je remarquais immédiatement, connaissant ce genre de situation, que ma bourse contenant mes économies, était elle aussi au sol. Je me penchais pour la rattraper, avant de la remettre à sa place, pour me pencher vers l’enfant :
‘’Il semble que votre tentative de vol à la tire s’est heurté à un problème conséquent.’’ Je l’inspectais du regard en même temps que je disais ceci. Vêtements de chanvre, en mauvais état, pied nus et poussiéreux, quelques blessures mal cicatrisées… Aucun doute possible, il s’agissait bien d’un voleur, ressemblait trait pour trait aux mendiants que je croisais si souvent… Et ce fut dans ses retranchements qu’il répliqua :
‘’P-Pitié, ne… Ne me tuez pas !’’Il n’eut pas le temps de dire plus que je posais ma main sur son épaule, le fixant certes sévèrement, mais je m’inquiétais plus d’une autre chose… Comme je m’en doutais, son épaule était dans un mauvais état. Il n’avait pas vraiment de muscle ou de peau, vraiment malingre. Mais ce que je remarquais surtout, c’était que son épaule était tout simplement déboitée suite au choc, ce qui expliquait sans aucun doute la douleur qu’il ressentait…
‘’Votre épaule est en mauvais état. Je vais vous conduire à un dispensaire.’’Il me regarda d’une manière choqué. Normalement, une Oru ne s’abaisserait jamais à aider un Skure. Pire encore, il venait de tenter de me voler, mais… J’avais mes raisons. Après tout, je n’étais pas spécialement en colère après lui, considérant que cela n’était pas forcément grave, d’autant que cette personne pouvait bien être quelqu’un comme Shayim… Bon sang, je la voyais un peu trop souvent dans mes pensées, mais elle représentait bien le peuple de Tirione, ou tout du moins ce que je souhaitais en voir… Un peuple prêt à agir, à mouvoir, qui savait saisir sa chance lorsqu’elle était à portée…
Et même si cela eu l’effet de surprendre bien des gens, je me saisis de l’enfant, avant d’avancer en direction d’un dispensaire proche. Là-bas, plusieurs personnes eurent en effet la surprise de me voir débarquer en portant un skure dans mes mains. Mais aucun ne protesta, se contentant de quelques discrètes messes basses. Je me prononça alors au médecin, qui n’osait même pas croiser mon regard :
‘’Je suis navrée de vous déranger pendant vos tâches, mais pourriez-vous soigner cet enfant ? Je ne faisais pas attention, et nous nous sommes percutés un peu fort. Voici de quoi payer les frais.’’ Je posais quelques pièces sur la table, avant de tourner le dos. Ce n’était qu’un événement mineur de ma journée, et j’avais encore bien des choses importantes à faire, comme… D’aller m’occuper de cette missive que je portais.