En ville, en attendant la fête réunissant les hérauts, Niasci avait été soignée et avait dû trouver un emploi temporaire afin de rembourser les soins dont elle n’avait pas pu se passer. Après avoir accompli une petite mission dans la maison supposément hantée d’une vieille dame, elle avait pu régler sa dette. Cependant, il restait encore quelques jours avant la fête et l’Ondine devait se loger. En forêt, elle serait allée juste se reposer en s’appuyant contre un arbre. A ce moment, il était inimaginable d’aller dans la forêt : les lieux aux alentours de Lerry était clairement dangereux au vu de l’expérience qu’elle avait pu vivre avec la rousse qui s’appelait Aki Nishiie. Etant toujours en période de convalescence, prendre le risque d’un combat n’était clairement pas une bonne idée. La seule solution était donc de rester en ville mais ici, les règles étaient différentes et on ne pouvait pas dormir en sécurité dans les rues. Pas que le lieu soit plus insécurisé qu’ailleurs mais chaque ville renfermait son lot de tire-laines et autres êtres bien peu recommandables.
Elle se renseigna donc chez les herboristes qui l’avaient soignée et ceux-ci lui conseillèrent une auberge qui se trouvait assez loin du centre-ville et qui était donc plutôt bon marché. Niasci s’y rendit en suivant le plan et pénétra dans le bâtiment. L’aubergiste était une jeune femme sympathique qui se rendit rapidement compte, à la vue du physique inhabituel de sa cliente, qu’elle n’était pas de la ville et qu’elle s’y sentait quelque peu larguée. Plutôt que de lui donner une chambre que l’Ondine risquait de ne jamais payer alors qu’avec l’approche de la fête, le commerce était très faste et les chambres rapidement louées, elle envoya Niasci vers l’une de ses connaissances.
Allez voir Victor, il cherche toujours un peu d’aide en ce moment, vous serez nourries et logées en échange de votre travail.
Niasci remercia celle qui s’appelait Anna et se rendit donc chez cet homme. Elle arriva devant une boutique attenante à une forge. La boutique avait une activité certaine et les clients entraient et sortaient à intervalles réguliers, les bras chargés de matériaux. A côté, on voyait les fumées de forge qui s’élevaient dans l’air et le bruit caractéristique du métal qui se fait battre par une forte poigne. La femme entra dans la boutique et interpella un homme barbu.
Je cherche Victor, je viens de la part d’Anna, de l’auberge.
Son interlocuteur la dévisagea mais envoya un jeune homme la guider vers le patron. Celui-ci était occupé à la forge en train de marteler un bout de métal. Le garçon l’abandonna là et Niasci attendit qu’il termine, observant avec attention l’activité. Bien qu’elle vint d’un peuple vivant en harmonie avec la nature, son handicap magique l’avait poussée vers un style de combat qui l’était moins et qui utilisait une arme forgée. C’était une occasion très intéressante pour Niasci qui découvrait comment ce genre d’objet était travaillé. Victor finit par plonger l’épée qu’il venait de terminer dans l’eau froide et il s’adressa à Niasci :
Bon, qu’est-ce que tu veux toi. T’es pas d’ici et tu me fixes depuis un moment, ça me déconcentre. Encore une brebis galeuse envoyée par Anna, je suppose ?
Je ne suis pas une brebis, je suis une Ondine et je ne pense pas avoir la gale. Par contre, c’est bien Anna qui m’envoie, elle m’a dit que vous pourriez me loger en échange de mon travail.
Mhhh… Bon, tu sais faire quoi ? A voir ta tenue, tu viens pas d’un endroit où on forge et vu ta dégaine et ta façon de parler, je peux pas te mettre en boutique. Par contre, je vois que tu as un marteau, tu dois avoir un minimum de poigne. Hum… Qu’est-ce que je vais faire de toi ?
Il avait enchainé ses réflexions à voix haute sans vraiment lui laisser le temps de répondre et semblait plonger sans ses réflexions. Il finit par trancher :
Bon, tu vas battre le métal. T’emballe pas, tu vas pas forger mais je vais te montrer comment préparer mon métal. Ce sera dur mais tu auras à manger et une paillasse pour dormir avec les apprentis. Ca te convient ?
Ca convenait à Niasci. On lui donna un tablier de cuir et elle se mit immédiatement au travail. En effet, c’était dur. Il faisait chaud et ça faisait largement travailler les bras. A la fin de sa première journée, il l’interpella.
Allez viens là, tu t’en sors pas mal et ça a l’air de t’intéresser. Tu vois ce petit bout que tu viens de me préparer, tu vas en faire une dague : je te montre le geste et après, c’est toi qui le fait.
Il lui fit une démonstration et lui laissa ensuite la place. Niasci frappa son méta en tentant d’imiter au mieux la situation. La perspective d’avoir la compétence de pouvoir fabriquer ses propres armes et de potentiellement remplacer son marteau bien abimé. Au fil de la fabrication, le forgeron fit des commentaires et guida l’Ondine :
Plus fort. Mieux sur la gauche. Allez, plus ferme sur la poigne. Remet au feu. Refroids maintenant.
Après un moment, elle plongea la dague dans l’eau froide. Elle n’était pas parfaite, complètement invendabble en réalité, tordue et désiquilibrée mais elle l’avait fait elle-même et en était très fière. Le forgeron la renvoya en la prévenant qu’elle pouvait aller manger avec les autres employés et demander au garçon qui l’avait emmenée jusqu’ici un endroit où elle pouvait dormir. Elle réessaiera une autre fois.