Aki et sa fille avaient été envoyées dans le Nord du pays surveiller une des côtes qui commençait à devenir de plus en plus agitée et dangereuse. On craignait en effet que, comme cela c’était produit ailleurs, des monstres surgissent des profondeurs pour s’attaquer aux villageois affaiblis.Bien évidemment, l’ordre d’évacuer les bords de mer avait été donné, mais bien peu l’avait respecté, les gens qui avaient une maison et un foyer en ces endroits préféraient sans doute y mourir que de mourir de froid quelques kilomètres plus au centre du pays. On leur avait, à cet effet, fournis un chariot et un cocher grognon qui les conduisit le long de la rivière de flèche jusqu’à son embouchure. Là, les dégâts étaient incroyables, quelques maisons avaient déjà subis des vagues énormes et s’étaient effondrés, faisant les premiers morts et blessés de la petite ville. L’humidité était partout, dans l’air, sur la terre qui était molle et visqueuse, elle s’accrochait désespérément aux vêtements, aux cheveux, s’insinuait entre les sourcils pour venir brûler les yeux.

L’air marin, d’ordinaire vivifiant et agréable était ici une plaie qui commençait à faire moisir le bois et la nourriture, rendait la terre incultivable car trop salée et faisait tomber les gens malades à répétition. Petites infections puis toux terribles, certains mourraient en crachant l’intégralité de leurs poumons devant les personnes venues les soigner. Et pourtant ils restaient, fidèles à leurs postes. Les détenteurs des plus grandes maisons avaient ouverts leur portes aux rescapés de celles qui avaient été détruites sur la côte, abandonnant leur travail ils aidaient tous du mieux qu’il pouvait à construire des barrages, isoler les stocks de vivre ou soigner les indigents.

C’est dans cette agitation morose et désespérée que les deux Hérauts arrivèrent, leur cocher tournant aussitôt la bride pour repartir vers le centre, là où tout était plus calme et pouvait ressembler à la vie normale. Essuyant ses vêtements déjà moites, la jeune femme passa un bras autour de l’épaule de sa fille.



Mais “un peu de chance” semblait trop demander au duo d’aventurière (qui ne savait pas encore qu’elles allaient se retrouver avec une partenaire qu’elles avaient toutes deux eu de maintes fois comme compagne lors de leurs aventures) qui eut à peine le temps de s’installer dans l’auberge la plus proche encore debout sur ses fondations avant d’entendre un grondement sourd provenir de la mer qui était encore plus agitée que d’habitude. Terrifié, les Gothregaliens reculaient dans les maisons les plus éloignées, priant Shagrod et Fern de rester éloigné aujourd’hui.

HRP:

Peu après que les deux jeunes femmes soient arrivés, une tête bien connue les rejoint. L’ondine avait visiblement la même mission qu’elles. Tout aussi mitigée que l’ondine, la rouquine lui sourit faiblement et hocha la tête.



Il ne fallut pas longtemps pour qu’une frange blonde fasse également irruption, causant un froncement de sourcil impossible à arrêter. Pas elle ! En plus elle se permettait de faire un clin d’oeil à Orina ! Les dents serrées, elle ignora la remarque stupide de la brute juste avant que la terre ne tremble. Dégainant aussitôt son arc, elle répondit positivement à la question d’Orina avant de filer hors de l’auberge pour voir ce qui était en train de se passer.

Une gigantesque créature marine avait sortis la tête hors de l’eau, ressemblant à un requin très allongé et bien plus menaçant, il semblait être suivis par la marée alors qu’il s’approchait petit à petit des premières maisons encore en état de contenir des êtres vivants. L’archère n’avait jamais vus une chose pareille mais ce n’était pas une raison de se laisser distraire. La chose était sans doute dangereuse et elles ne seraient pas trop de 4 pour en venir à bout.

Encochant une flèche puis une autre la jeune femme visa les yeux comme ses premières cibles avant de se concentrer pour tenter de faire appel à un pouvoir qui s’était largement endormis chez elle. Fermant les yeux l’espace d’un instant, elle tenta de se connecter avec une partie profonde d’elle-même, avec la puissance que la grande Mère lui avait confié quand elle n’avait que 17 ans.



Il n’y avait pas à proprement parler de prière appropriée pour demander un tel service, d’autant plus qu’il y avait tout à parier que la grande Bienfaitrice ne pouvait l’entendre d’où elle était, mais cela permettait à la jeune femme de se donner quelque chose sur lequel se focaliser.

En effet, même si elle avait son arc et orina ses flammes, ni Rin ni Niasci n’avait jusqu’ici fait preuve d’une quelconque capacité de se battre à distance, par conséquent, elles allaient devoir aller dans l’eau pour se mesurer au monstre, soit son élément naturel, c’était bien trop dangereux ! Il fallait savoir si l’ondine faisait partie de ces êtres capable de respirer sous l’eau, ce qui pourrait grandement aider dans la mission, ainsi après s’être confronté plusieurs fois à un échec dans sa tentative de maîtriser les flots la Druidesse se retourna vers cette dernière.



Elle avait entendus parler de certaines créatures de sa race capable de le faire, ce qui serait tout de même sacrément pratique.

La créature monstrueuse était bien plus forte que chacune des Hérauts ici présente pour essayer de protéger le village de son emprise, elle était plus grosse, plus effrayante, et nul doute qu’un seul claquement de ses mâchoires pouvaient les réduire en miettes. Mais elles étaient malgré tout 4 et en unissant leurs forces correctement, elles seraient sans doute capable de mettre un terme à ce désastreux incident, elles DEVAIENT en être capable, autrement les conséquences de dizaines de morts risquaient de leur retomber sur les épaules. La réponse de Niasci refroidi largement Aki. Une ondine qui ne savait pas respirer sous l’eau ? Elle cacha du mieux qu’elle pouvait sa surprise en surprenant l’air de la bleutée qui ne semblait pas plus enchantée que ça par ce constat non plus. Heureusement, cela ne l’empêchait nullement d’être efficace. Impressionnante comme toujours, munie de son marteau de titan, elle fit face au monstre, poussant un cri littéralement glaçant qui provoqua le déplacement d’éclats que Orina, en partenaire attentive, essaya de faire fondre pour protéger les habitants.

Furieux, le monstre se précipita vers la guerrière tout en se réservant visiblement l’homonculus comme dessert, en effet, cette dernière avait fait jaillir quelques flammes en éternuant, vite éteintes par l’humidité ambiante, il n’en fallait pas plus au monstre pour trouver la petite créature encore plus appétissante qu’auparavant. De leurs côtés, Rin et Aki pouvaient profiter de l’aide de Niasci pour viser plus efficacement le monstre. L’archère ne s’en priva pas une seule seconde, réservant sa surprise quant à la méthode de combat inattendue de Sahronglaag pour plus tard.

Elle finit par réussir à toucher un des yeux du monstre, lui arrachant un rugissement de douleur. Sans la moitié de sa vision, il ne pourrait que manquer de précision et leur faciliter la tâche, surtout pour celles qui voudraient se rendre au corps à corps. Cette réussite minime et qui ne signait pas du tout leur victoire ne suffisait absolument pas à la Druidesse. Serrant les dents elle reprit ses prières à sa déesse dans sa tête, la suppliant de lui confier cette puissance qui avait déjà pu la sauver maintes fois. Mais éternellement, la Mère refluait sous ses imprécations, son pouvoir s’enterrant de plus en plus profondément au fond d’elle-même.

Était-elle méritante ? Avait-elle perdu ce qui au fond d’elle la rendait capable d’utiliser cette maîtrise qui était réservée aux plus purs ? Sans aucun doute. Elle n’était plus une Druidesse qu’en titre et ce depuis bien plus d’une année déjà. Elle n’était plus la bonne et tendre jeune fille, pleine d’espoir et de naïveté qui ne pouvait enlever une vie sans verser de lourdes larmes. Elle était dévorée par l’arrogance, l’orgueil et le besoin de pouvoir, elle était devenue une partie de ce qu’elle avait toujours détesté. Et pourtant, pourtant … Quelque chose rugissait en elle, quelque chose bouillonnait. Quelque chose qui n’acceptait pas cette réalité. Quelque chose qui l’aimait plus qu’elle ne s’aimait elle-même.

Une des vagues qui allait s’échouer sur la plage sembla s’arrêter un instant, une microseconde, un moment à peine perceptible pour quelqu’un qui n’attendait justement pas exactement cet effet. Bien évidemment, la déferlante s’écroula avec tout autant de force et tout continua comme si rien ne s’était passé, si ce n’était la force rugissante qui faisait brûler les yeux de la jeune femme. Loin d’être rouges comme ils pouvaient l’être quand l’être qui vivaient en elle sans qu’elle le sache ne la domine, il n’avait pas changé une once de couleur et semblaient pourtant plus sincères, plus purs. L’espace d’une fraction de seconde, il n’y avait nulle autre qu’Aki.

Spoiler:

La créature était de plus en plus acculée par les tentatives des quatres alliées. Pleine de courage, l’ondine s’était enfermée dans une arène avec le monstre pour l’affronter au corps à corps. Impressionnée par cette technique, Aki prit quelques instants pour se reposer en attendant d’avoir de nouveau un moyen d’agir. La pureté des intentions qui l’animaient avaient disparus, mais elle éprouvait bien moins de doute à présent qu’elle avait vus cette vague se figer une fraction de seconde. La Terre Mère ne l’avait pas complètement quittée. Elle restait là, attendant qu’elle se fasse confiance à elle même. Rin de son côté commença également à privilégier le corps à corps, prenant le relais avec la bleutée pour harceler la chose qui ne tarda pas à se prendre des flammes dans les naseaux. Malheureusement pour celle qui avait utilisé cette dernière attaque, le monstre marin ne semblait pas très à l’aise avec le feu et il se vengea aussitôt en envoyant valdinguer l’homonculus plus loin.

C’était tout ce qu’il manquait à la Nishiie, la dernière motivation, le dernier détail. Ce combat ne pouvait plus continuer, il devait prendre fin maintenant, il devait s’achever par le sang de cette chose. Elle ferma les yeux. Il n’y avait que peu de temps, peu de force, il fallait agir avec intelligence. Au summum de ses pouvoirs elle aurait poussé les vagues à rejeter l’animal sur la berge pour le laisser mourir ici, mais elle ne pouvait certainement pas maîtriser la fureur de l’océan. Non. Mais il y avait des algues qui poussaient sous la mer, petits et inoffensives, elles étaient son plan. La jeune femme lâcha son arc sur la plage et étendit les bras des deux côtés pour rassembler la force qu’elle avait perçut, faisant appel à l’allié inconnu qui l’avait aidé alors.



Et de nouveau, la colère bouilla, violente, destructrice, pour disparaître et ne laisser qu’une confiance infinie. Elle pouvait y arriver. Elle le méritait. Elle l’avait toujours mérité. Elle allait y arriver. Les algues se mirent à pousser autour du monstre marin, l’entourant, l’empêtrant, le ligotant, solides chaînes incorruptibles, elle l'empêchaient de bouger, d’attaquer ou même de se défendre. C’était maintenant à ceux qui en étaient capable qu’il revenait l’honneur de porter le coup de grâce.

Epuisée, la rouquine tomba à genoux, la respiration faible et le coeur battant. Elle saignait du nez et un goût métallique avait emplis sa bouche, mais elle souriait. Où que soit sa déesse, qu’elle l’ait entendus ou non, le don qu’elle lui avait fait était toujours là. Toujours présent. Tout devint flou, les algues ne tiendraient peut-être pas longtemps, mais suffisamment, suffisamment pour que quelqu’un puisse mettre un terme à cette vie impure et impropre à l’équilibre. La chaleur dans son corps était revenue et seulement alors, l’archère se rendit compte qu’elle lui avait manqué durant ce laps de temps. Cette fureur. Cette envie de destruction. C’était comme une vieille amie perdue depuis longtemps.

Le monstre hurlant sa douleur à qui voulait bien l’entendre, la Druidesse rassembla ses forces pour se diriger vers là où elle avait vus tomber sa fille. Elle la trouva au même endroit, du sang sur le visage et le regard absent. Ravalant ses larmes de fatigue et de détresse, la rouquine s’agenouilla près de la rosée pour commencer à la soigner. Reposant sa tête sur son genou relevé, elle injecta la quasi totalité de son Fluide vert à l’intérieur du petit corps, ne laissant presque rien de l’énergie réparatrice et vitale dans le sien. C’était mettre sa vie en danger que d’agir ainsi, la procédure correcte aurait été de diriger son soin et non de l’abandonner complètement, mais l’énergie de l’archère n’était plus suffisante.

Serrant les poings, la soigneuse ne pouvait compter que sur la vitalité de sa fille pour poursuivre. C’est alors qu’elle remarqua le corps de Sahronglaag étendus sur un récif pointus non loin. La créature était morte mais il en faudrait peut-être peu pour que Rin y passe aussi. C’est à ce moment qu’en tant que rédactrice j’aimerais dire “n’écoutant que son courage, Aki se précipita vers celle qui avait été son ennemi pour la sauver”, mais la force humaine et même démoniaque a ses limites. Après avoir triomphés de la puissance même de la nature et donné toute son énergie vitale à l’homonculus, il eût été irréaliste de dire que la Nishiie fit plus de quelques pas dans sa direction avant de s’effondrer sur le sol, gémissant et tentant d’indiquer à qui voulait bien l’entendre la position de sa compagne de combat défaite.

Il semblait bien que quelqu’un l’avait entendus puisqu’on vint bientôt la déloger de son rocher. Ignorant la suite des évènements, l’amie des animaux ferma les yeux et laissa le reste se dérouler sans son aide. Si faible. Cela ne changerait probablement jamais. Même quand elle aurait regagné du pouvoir, il y aurait plus fort qu’elle, il y aurait toujours quelqu’un capable de la réduire en miettes d’une pichenette, capable de menacer la vie des êtres qui lui étaient chers, capable de tout alors qu’elle ne pouvait rien. L’impuissance faisait partie d’elle depuis des années, elle l’avait juste oublié, aveuglée par son arrogance.