Date : Ysotl 275
La jeune femme souriait d'un air avenant en parlant au jeune homme qu'elle venait tout juste de rencontrer. Il lui était plutôt sympathique et une fois de plus, elle pouvait montrer à un nouveau venu comment tirer son épingle du jeu dans ce monde étrange. Se balançant d'un pied sur l'autre, Mizu cherchait très visiblement à échapper à la présence de cet inconnu tandis que Mune menait son existence sans plus s'en soucier. Plus le temps passait et même si la guerre frappait maintenant à leur porte, Aki commençait à se dire qu'elle avait une chance de s'en sortir, de ramener le calme dans cet endroit incroyablement étrange, de mener sa propre vie comme elle l'entendait. Elle était partie de rien et maintenant elle était puissante et respectée, elle avait toutes les chances de s'en sortir … et de permettre aux autres d'en faire de même. Mais en un clignement d'yeux, tout allait disparaître. Ce fut d'abord Relhan qui vacilla puis tomba au sol. Elle tenta de le retenir et ne le rattrapa que de justesse, lui évitant un choc avec le sol qui aurait pus être douloureux.
- Hey ! Qu'est ce qui t'arrive ! Ca ne va pas ?
Aussitôt elle commença à vérifier que son pouls était toujours présent et c'était bien le cas, celui-ci ne s’affaiblissait même pas ! Alors que se passait-il ? Avant qu'elle n'ait le temps de se pencher plus avant sur la question, son corps devint de plus en plus translucide, jusqu'à presque disparaître, puis il éclata en milliers de fragments entre ses bras. Estomaquée, elle regarda de la poussière filer entre ses doigts, comme si l'homme qu'elle avait tenus la seconde d'avant s'était tout bêtement désagrégé. Elle avait entendu parler de ce genre de disparition il y avait bien longtemps, un moyen de mourir comme un autre dans ce monde cruel, qui touchait le plus souvent les nouveaux arrivants. Retenant ses larmes, elle se sentit chanceler à son tour. Etait-ce une maladie contagieuse ? Allait-elle mourir elle aussi ? Elle tendit une main vers la renarde qui accourait vers elle, ses yeux se fermant tout seul. Même ses deux boules de poil trébuchaient en tentant de la rejoindre et le louveteau s’affala contre la druidesse, fermant ses paupières à son tour. Mais que pouvait-il bien se passer ? Incapable de parler ou de faire quoi que ce soit, la dernière image qu'elle vit fut celle de son amie de toujours percutant la terre juste devant elle.
Elle était dans un lieu qui n'avait pas de consistance, pas de substance. Ni de haut ni de bas, elle avait juste l'impression d'être nulle part. Doucement elle posa un pied devant l'autre, surprise de voir que le néant pouvait soutenir son poids. Elle commença à marcher, puis à courir, appelant Mizu et Mune à tue tête, espérant qu'elle retrouverait ses deux compagnons dans cet endroit qui ne semblait même pas exister. Au lieu de quoi elle tomba sur une forme vêtue de blanc, qui la regardait d'un air patient et calme. Stoppant net, l'amie des animaux regarda ce fantôme, les yeux écarquillés.
- Bienvenue à Bariande mon enfant, prononça la femme à la voix aussi douce que de la soie.
Je t'ai amené dans ce monde afin que tu puisses me libérer, héroïne et pour cela, j'ai fais en sorte que tu puisses devenir plus forte que jamais. Mais avant il te faudra regagner tes pouvoirs.
C'était une blague ! C'était forcément une blague ! Ce scénario ressemblait affreusement à celui qu'elle avait vécus trois ans plus tôt ! Un autre monde ! Plus de pouvoirs ! Et … plus personne !
- Qu'as-tu fait ! Ramène moi chez moi ! RAMENE MOI CHEZ MOI !
Des larmes amères jaillissant de ses yeux, la rouquine folle de rage se jeta sur la forme vaporeuse qui disparut non sans un regard emplis de pitié envers sa victime. Celle-ci se laissa tomber dans le vide, désespérée. Orina. Tanith. Kamatari. Ieta. Avait-elle tout perdus une fois encore ? Alors qu'elle se roulait en boule sur elle-même en attendant que le rien ne l'emporte, celui-ci commença à prendre de la substance, des couleurs, une odeur. Elle était dans de l'air et lorsqu'elle baissa les yeux un affreux constat s'empara d'elle. En dessous de son corps, il n'y avait que de l'eau, une eau turquoise et aux remous dangereux. Hurlant de terreur, elle voulut utiliser ses pouvoirs pour faire pousser ses ailes et rejoindre la rive un peu plus loin, mais rien à faire, aucune membrane ne daigna sortir de son dos.
Avec un bruit d'éclaboussures étourdissant, elle se retrouva propulsée dans les profondeurs d'où elle essaya aussitôt de s'extirper, usant du peu de force qu'elle avait et tentant en vain de recourir à sa magie. Même si elle était privée de ses pouvoirs, elle savait nager et doucement mais sûrement, elle rejoindrait bientôt la surface. Ce fut lorsqu'elle creva l'eau pour inspirer une grande goulée d'air qu'elle sentit quelque chose de visqueux et de particulièrement brûlant s'enrouler autour de sa cheville. Retenant un cri pour ne pas gaspiller d'air, elle se débattit du mieux qu'elle pouvait, mais bientôt, elle replongea dans le liquide, entraînée inexorablement vers les fonds marins, battant des bras telle une damnée pour s'en sortir.