Rencontre froide
Cela faisait déjà plusieurs jours que Niasci avait quitté son clan de la rivière. Sa famille lui manquait et, de temps en temps, elle se sentait au bord des larmes en repensant au calme de sa rivière natale. Pourtant, elle ne fléchissait pas et se retenait de faire demi-tour. Elle avait une mission à accomplir et c’était bien prioritaire par rapport à son confort personnel.
Durant les premiers temps de son exploration, elle avait observé les villes, se promenant aux alentours d’abord puis, dans un élan de courage, à l’intérieur des cités, sur les grandes places du marché bondées et dans les ruelles les plus étroites. Elle avait entendu les gens parler :
Passants divers
- Le blé est encore bien cher en ce moment.
- Mais toi la vieille, tu vois pas que tu gènes ma charrette ?!
- Amulette ! Demandez une amulette de chance !
Les gens vivaient et se précipitaient dans une agitation qui lui semblait bien veine alors que des choses si graves se passaient sur leur monde. La dame était emprisonnée et ces idiots ne pensaient qu’à leurs petites activités, à leur or si précieux en oubliant les véritables priorités. Un matin, elle crut voir une personne prier, à genoux sur le sol, la tête repliée. Niasci s’était approchée d’elle pour se joindre à ce bel effort si rare et celle-ci avait été très surprise de voir l’Ondine. L’homme cherchait seulement à rassembler les pièces qu’il avait fait tomber de sa bourse. Il insulta Niasci en s’éloignant, croyant sans doute qu’elle s’était approchée pour le dépouiller.
Pendant des jours, elle parcourut les villes à la recherche de la lumière de la dame et de ses enfants, survivant en mangeant ce qu’elle trouvait et dormant sous les arbres mais, partout, chacun ou presque les ignorait. Niasci en conclut que la faiblesse de la dame venait de ce manque de ferveur et qu’il fallait montrer à tous qu’elle la lumière et l’âme de ce monde. Avec bienveillance, Niasci réfléchit à une méthode.
Pendant qu’elle se perdait dans ses réflexions, ses pas la menèrent automatiquement près de la rivière de flèche. C’était près d’un méandre de cette rivière qu’elle avait grandi et s’en approcher lui permettait toujours de se sentir plus rassurée, elle qui n’était pas encore habituée à la vie du monde. La rivière s’écoulait avec calme et était gelée par endroit à cause du froid de la saison. L’air était frais et revigorait Niasci qui le respirait par grandes inspirations, nettoyant ses sens des odeurs multiples et plus ou moins désagréables de la ville. Elle vit quelques poissons nager sous la glace et se dit qu’elle tenterait d’en attraper ce soir, quand ils seraient moins véloces et elle, motivée par la faim.
Elle s’arrêta quelques minutes, ses bras étaient endoloris : porter son marteau ne lui avait jamais semblé aussi difficile, même au début de son entrainement. Il pesait plus lourd sur ses épaules et son dos à chaque mouvement mais il était trop important pour qu’elle s’en sépare. Elle se décida cependant à faire une pause : ses ambitions étaient bien belles mais avancer à l’aveuglette ne servirait qu’à la fatiguer. Elle pensa d’abord parler de la dame dans les villes pour toucher un maximum de personne mais ses capacités oratoires étaient des plus faibles et elle risquait d’être moquée et de nuire à sa déesse plus que de l’aider. Elle pensa prouver la force de la dame mais elle n’en avait aucun moyen, pas même sa propre force comme exemple : ses muscles avaient fondu et elle ressemblait à une Ondine maigrichonne à peine sortie de l’adolescence. Il ne lui resta donc comme possibilité que de se concentrer dans un premier temps sur son apprentissage des habitudes des peuples de Bariande, de mieux les comprendre pour mieux leur parler. Elle en profiterait pour s'entrainer et regagner ses compétences au marteau.
Se sentant mieux, elle décida de se rendre dans la première ville qu’elle croiserait, peut-être d’y trouver ce qu’ils appelaient du travail afin de pouvoir vivre comme eux et de s’intégrer. Elle reprit donc sa route mais fit seulement quelques pas avant d’apercevoir au loin une tache rouge qui se détachait de cette rivière gelée et des arbres blanchis par la rosée gelée. La tache semblait humaine et se dirigeait dans sa direction. Elle attrapa donc son arme, la hissa difficilement à hauteur de ses hanches et s’immobilisa, attendant que l'autre voyageur arrive jusqu’à elle.