Le chant des sirènes
Accoudée à un rocher couvert d'une mousse gelée non loin de la rivière, Niasci avait longuement hésité sur le futur de son voyage : retourner en ville, ou pas ? La plus grande ville aux alentours était Lerry et elle n'y avait évidemment jamais mis les pieds. Le seul village qu'elle avait visité était celui non loin de son clan et il était minuscule comparé à cette énorme cité dont les nombreuses colonnes de fumée se voyaient de très loin. C'était d'ailleurs ce qui l'avait guidée jusqu'aux abords de la ville. Sa première visite dans la civilisation lui ayant laissé un gout amer, elle craignait son retour parmi ces gens qui ne lui inspiraient, pour la plupart, que du mépris et une nouvelle expérience, dans un lieu bien plus peuplé l'effrayait un peu mais elle avait une mission. Une mission de la plus haute importance.
Elle prit donc la décision d’y aller le lendemain en empruntant la route principale. Peut-être croiserait-elle sur son chemin des personnes disposées à lui parler et à écouter son discours sur la Dame. Pleine d’espoir, elle s’allongea sous un épineux et s’endormit avec le sourire, se sentant utile pour une force qui lui était bien supérieure.
La moitié de la nuit passa sans encombre, Niasci ne fut réveillée que par un rongeur curieux venu renifler les écailles de son armure. Alors qu’elle essayait de se rendormir après cet événement, une voix l’en empêcha. D’abord, le son fut subtil et doux, elle le percevait à peine et elle essaya de le comprendre pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’une menace. Malgré sa concentration, elle n'y parvint pas bien que celui-ci devint plus fort. Impossible pour la dryade de se rendormir, le son envahissait sa tête et résonnait encore et encore dans ses oreilles. Bien que la voix soit très agréable, elle envahissait tout son être et laissait une sensation étrange.
Niasci finit par se lever d’un bond, attrapant son marteau, et se mit en marche, agacée d’interrompre sa nuit et de devoir partir ainsi à l’aveuglette à la recherche d’une vulgaire chanson. La nuit était particulièrement frisquette, on sentait bien que la période froide de la saison avait commencé amenant avec elle les nuits claires très étoilées mais surtout une brise glaçante.
Elle tenta de suivre la voix, se guidant à l’oreille sur plusieurs centaines de mètre, et ne croisa personne. La voix la fit s’éloigner de plus en plus des abords de la ville. Elle finit par ralentir, sentant que la source était proche. Elle se dissimula tant que bien que mal (mais plutôt mal que bien) dans les fourrées pour en observer la source. La dryade s’avança à pas supposément feutrés, espérant qu’il ne s’agissait pas d’une embuscade ou d’une créature maléfique envoyé par les dieux pour l’empêcher d’accomplir son objectif. A chaque mouvement, son marteau qui traînait derrière elle secouait feuilles et branchages, provoquant un petit concert naturel qui permettait de l’entendre venir de très loin. Cependant, le chant ne cessa pas et continua sa longue complainte au clair de lune.