Remise à zéro
4e jour de Naha, saison des pluies, cycle 273
La pluie tombait drue. J’étais sur la place centrale d’un petit village, situé légèrement plus au nord du lac de Kefalls. Je faisais face à un panneau d’affichage sur lequel était accroché un curieux message invitant les hérauts à se rendre à la capitale afin de participer à une rencontre avec les différents régents de ce monde. Cela bouleversait pas mal mon planning, souhaitant encore éviter Heabury avant d’avoir récupéré suffisamment de force et de compétence pour m’y débrouiller tout seul et sans risquer de subir trop de problème. Je me rendais aussi compte que c’était une occasion que je ne pouvais laisser passer. De plus, il était indiqué que toute absence pouvait être gravement punie, bien que je me questionnasse sur leurs moyens pour vérifier que personne ne manquait à l’appel.
La date indiquait que le message avait été affiché la veille. Quant à la date à laquelle le conseil devait prendre place, c’était le premier de Glucho, soit dans cinq jours à peine. C’était juste ce qu’il me fallait pour me rendre à la capitale du royaume du sud à pied. Car je ne comptai pas prendre de cheval, comme il était autorisé et conseillé de faire selon l’édit. J’étais méfiant de la teneur de cet évènement, pensant qu’il s’agissait d’un stratagème des différentes nations pour trouver un moyen de nous tenir en laisse. La prudence était donc de mise. Je ne devais pas trop traîner non plus. Et comme la journée venait à peine de commencer, en dépit du temps exécrable qui me vomissait litre après litre sur la figure, je décidai de commencer la route. Je ne comptai pas faire une étape très longue : j’avais repéré un autre village à quelques lieux d’ici et me disais que s’aurait été un gâchis de ne pas affronter la pluie et de perdre un temps précieux.
Je resserrais donc les lanières en cuir de mon sac et quittai le patelin pour prendre la route. J’avais noté un nombre important de rivières serpentant la région et je m’attendais donc à devoir traverser pas mal de ponts qui, avec le mauvais temps, allaient se transformer en véritable piège glissant si je ne faisais pas assez attention. J’avançais pourtant à vive allure, ma vision brouillée par les milliers de gouttes qui venaient, à chaque instant, me frapper les yeux. Si cette tempête était déjà impressionnante, je sentais qu’elle empirait et que, si je ne me dépêchais pas, j’allais devoir faire face à un violent orage. C’est ainsi que je commis mon erreur. L’erreur que je m’étais pourtant promis de ne pas faire. En traversant un petit pont sans garde-fou, mon pied butta contre une planche mal positionnée et je trébuchai, tombant droit dans l’eau agité qui passait jusqu’alors sous moi. À la fin de ma chute, mon crâne percuta je ne sais quoi, et je perdis conscience.