A trop jouer au héros...
J’étais arrivé à Heabury à la fin de la semaine. Finalement, j’avais pris la décision de prendre mon temps, n’étant plus à un retard prêt. J’en avais profité pour me procurer des habits plus classiques à la nation, afin de me fondre dans la masse une fois dans la ville, même si c’était dur pour moi de devoir me séparer le temps d’un séjour de mes confortables vêtements de templier. Je n’avais pas le choix, cependant, mon accoutrement aurait bien trop attiré l’attention. J’avais aussi eu peur d’avoir à me couper les cheveux, mais – heureusement pour moi – personne ne me fit de remarque à ce sujet. Je les avais donc tressés pour qu’ils ne soient pas plus bizarre que ça. Enfin, j’avais enveloppé mes armes dans un drap afin de ne pas attirer l’attention sur elle. Je savais qu’elle n’avait pas une apparence commune pour l’époque de Bariande, donc il valait mieux ne pas les montrer pour le moment.
Une fois à l’intérieur des murs, je découvris un univers bien différent de la campagne. Heabury ressemblait beaucoup à Sulvia, la cité-état régente des baronnies d’Itille. Immense, bondée d’habitant à ne plus savoir quoi en faire, les maisons collées les unes à côtés des autres à se demander comment des familles pouvaient y vivre. La ville était séparée en plusieurs quartiers de forme concentrique qui devenaient de plus en plus faste au fur et à mesure que l’on se rapprochait du palais. Personnellement, j’avais élu domicile dans une petite auberge à la bordure du quartier populaire à l’intérieur de la cité. Même si j’avais une petite réserve d’argent grâce aux petits travaux que j’avais fait sur le trajet pour venir, c’était bien la seule chose que je pouvais m’offrir pour le moment. Je ne demandais pas plus de toute manière et je ne comptai pas rester éternellement, deux semaines, tout au plus. Juste le temps de récupérer les informations qui m’étaient nécessaires.
Ma plus grande chance était de tomber sur KCT, car je savais qu’elle s’était dirigée vers la capitale en prenant une route bien plus directe que moi. Je ne me faisais pas d’idée et j’étais parfaitement conscient que les probabilités de la trouver dans une ville aussi immense sans moyen de la contacter étaient extrêmement faibles. J’essayai donc de glaner des informations à droite à gauche, me mêlant à la foule et me faisant passer pour un paysan souhaitant trouver du travail à la capitale. Cela ne fonctionnait pas très bien, selon mes critères. Je n’avais droit qu’à des rumeurs ou d’obscure histoire qui tournaient autour de ce conseil. Rien d’étonnant : des vulgaires n’allaient pas être mis au courant des machinations des puissants.
Quand j’avais un peu de temps libre, je visitai un peu la ville, histoire de me faire une bonne carte mentale des lieux et de facilement m’y retrouver si un problème se déclarait. Je ne souhaitai pas réitérer les soucis vécus lors de mes aventures à Sulvia. J’avais donc l’occasion d’observer en détail la vie des habitants d’Heabury, qui n’était, au final, pas si différente de celle des gens de mon monde. Enfin, cette ville était tout de même bien plus peuplée que n’importe laquelle des cités-état d’Itille, donc il y régnait tout de même plus d’agitation.
Alors que je déambulai dans un quartier marchand de la zone populaire, analysant l’artisanat local pour m’en imprégner, une scène attira mon regard. Une petite fille qui n’avait sans doute pas encore atteint la puberté se faisait bousculer par la masse mouvante des habitants, sans qu’un seul de ceux-ci ne s’en rendent compte. J’allais me diriger vers elle pour l’aider, quand elle trébucha sur un vase, tombant et brisant l’objet par la même occasion. Le propriétaire entra dans une colère noire et, sans attendre l’avis de sa raison, détacha sa ceinture pour commencer à battre l’enfant. Ni une, ni deux, je traversai la foule et me mis entre l’homme et la petite fille afin de la protéger des coups, m’en prenant un au passage sur la joue. Et pendant que la douleur me brûlait le bas du visage, le marchand s’exclama :
- Mais qu’est-c’qui nous veut, l’gamin ? Dégage de là, c’pas tes affaires.
- Arrêtez, rétorquai-je avec hargne, ce n’est qu’une enfant. Laissez-la partir et je me charge de vous rembourser ce vase.
- Ben voyons... comme si j’allions faire confiance à un inconnu...
- Attrapez, dis-je en lui lançant ma bourse. Voilà toutes mes économies. Si c’est trop, gardez le reste. Si ce n’est pas assez, considérez cela comme un gage de mon sérieux.
Son regard plein de haine resta figé sur moi, avant de descendre et de relâcher la pression pour regarder le contenu de la bourse :
- Tss, pesta-t-il. C’est pas de l’or qu’va remplacer not’ vase. Si ty veux vraiment m’rembourser, va falloir m’rendre un petit service.
Je lâchai un minuscule soupir, me demandant dans quelle merde j’avais encore réussi à me fourrer :
- Je vous écoute.