Le jour s’était levé depuis à peine quelques heures que la dryade était déjà en activité. La caresse des premiers rayons avait à peine effleuré l’humus recouvrant la dryade que sa sève s’activait, poussant lentement à un réveil rapide. Elle ne rêvait pas, mais le sommeil était réparateur. L’ombre noire de la nuit l’avait emporté dans un oubli salvateur mais cependant temporaire. Elle aimait la vie, et le sommeil n’était qu’un refuge face à ses craintes, elle ne vivrait pas en fuyant. Aucune dryade ne l’aurait fait à sa connaissance.
La dryade considéra les cristaux en face d’elle. Elle avait récupéré ces biens dans une grotte au nord-est du camp. Elle savait que la zone était désormais dangereuse -même pour elle-, et elle voulait avoir une opinion tierce aussi appela-t-elle Lothaire de Caresac, l’intendant de la reine _ou doyenne lui avait-on dit_ qui avait été consigné avec eux au camp. Si au démarrage de l’expédition il était motivé pour venir avec eux afin d’apprendre davantage sur les hérauts et sur cet honneur qui lui avait été donné, il avait rapidement déchanté en voyant les sobres tentes et les yourtes dréssées. Le nid avait été un maigre réconfort car il restait un dortoir a peine aménagée. Lui qui était habitué au thé apporté par un serviteur et aux cuillères en argent, il était au broc servi dans un pot. Il s’était plaint plus d’une fois du service et de la qualité des commodités. Sa vie de courtisan lui manquait désespérément et il avait été plus d’une fois tenté de retourner dans la ville la plus proche se faire servir. « Ce n’est pas une place pour un mage » avait-il eut coutume de dire régulièrement.

La dryade voyait son projet prendre bonne forme et ne comprenait pas pourquoi celà était un problème de vivre au grand-air. Le nid procurait une sécurité suffisante aux hérauts et il faudrait bien commencer quelque part ! D’ailleurs elle pensait à une scierie. Ils allaient devoir augmenter le nombre de bâtiments s’ils voulaient un certain confort et il était hors de question de couper n’importe quel arbre ! Cela attendrait, Hubert arriva d’un air hagard, manifestement à peine tiré du lit.

Un sourcillement de sourcil fut le seul élément qui trahit sa surprise de voir ainsi les trésors de la dryade étalés devant lui à la vue de tous. Il y en avait de fait pour une belle somme. Ce n’était pas grand-chose pour une famille comme la sienne, mais les rapineurs de la cité auraient été prêt à d’écharper pour une telle somme. Ici, une telle effusion n’attirait pas vraiment l’attention. Qui voudrait de cailloux brillants au risque de subir la colère de l’entièreté du camp ? Ça ne se mange pas les cailloux brillants ! En fait il soupçonnait que personne ici n’était capable d’évaluer correctement ce qu’il avait devant les yeux.

« Et bien ? ce sont des cristaux dédiés à l’enchantement, que voulez-vous en faire ?  »

La dryade considéra ses options.

Arkazo’k.

A nouveau, comme une semaine auparavant, elle glissa sa main à son doigt. Son anneau était la preuve du pouvoir de ces enchantements. Elle ne connaissait rien à ce domaine magique. A dire vrai, son peuple n’était pas tout à fait étranger à ce genre de pratiques, mais du haut de ses 140 années de vie, elle n’était qu’un enfant aux yeux de son peuple. Eut-elle eu connaissance des puissants enchantements que les plus anciennes de son peuple qu’elle se serait penché sur la question. Les forêts étaient protégées par de puissantes magies invisibles et intangibles pour protéger leurs habitants contre les invasion des peuples sombres orphelins des dieux.

L’intendant avait commencé à lui faire un exposé magistral dur l’enchantement et ses usages. Il avait fait un inventaire à la Prévert des différents matériaux et ustensiles d’enchantement, puis de la manière de raffiner les cristaux en leur insufflant une énergie magique particulière. La dryade était de nature patiente mais spontanée. Elle finit par l’interrompre comme elle l’avait fait tant de fois avec sa bienveillante tutrice.

Montre-moi veux-tu bien ? Je préfèrerais voir de mes yeux comment l’on fait.

Quoi que sûr de lui dans la théorie des enchantements, l’intendant n’avait pas pratiqué lui-même depuis des lustres. Il hésita, mais le regard insistant et innocent de la dryade lui fit comprendre qu’il n’avait pas vraiment le choix. Il se mit au travail.

La première étape, lui expliqua-t-il était de purifier la gemme afin de lui donner une capacité canalisatrice de pouvoir. La gemme elle-même n’était pas productrice d’une quelconque entité magique, mais elle amplifiait ce qui était naturellement présent dans les matériaux les plus banals en puisant dans leur essence et dans leur rattachement à un plan magique. Ainsi, plus le matériaux catalysé était puissant, plus on avait de chances de produire un enchantement puissant. Aussi, la pureté de la pierre allait déterminer la qualité de cette augmentation magique, et ainsi de la qualité de l’ensemble.
En posant ses mains sur la table, il ferma ses yeux et se concentra sur les paroles qu’il déclamait. Les syllabes semblaient dissonantes, désordonnés, mais doucement, la pierre devint plus pure, plus chatoyante. Une douce lueur bleutée prit possession de son centre, délicate comme du cristal.

Transpirant, Hubert contempla son ouvrage d’un air satisfait. Il lui expliqua son sort succinctement :

« Plus qu’un sort, le rituel de purification aide la pierre à retrouver son essence originelle. Ce sont selon certains des fragments de divinités dont l’éclat avait été perdu au fil des siècles. Des années d’apprentissages sont nécessaire pour obtenir un tel résultat, et les technos-mages les plus prisés sont capables de rendre une gemme presque parfaitement invisible mais luisante comme une étoile. »

La dryade contempla la pierre. Les reflets magnifiques de l’objet étaient semblables à de l’eau reflétant la lumière. Cette beauté l’abasourdit. Jamais n’eut-elle pensée trouver une œuvre humaine belle, et l’intendant grassouillet devant ses yeux venait en un tour de passe-passe de lui trouver le contraire.

Arkazo’k.

L’homme regarda la dryade circonspecte d’un air fier. Il était difficile de comprendre les émotions de la dryade pour un être qui avait l’habitude des masques d’émotions de la cour. La dryade avait eu l’air surprise, émerveillée puis réflexive. Cette débauche émotionnelle n’était pas dans les mœurs d’Hubert qui essayait désespérément de comprendre ce qui était naturel chez un enfant. Il pensait à une fourberie cachée. Se moquait-elle de lui ? Il en avait eu l’intime conviction il y a bien longtemps. Peu de gens se préoccupait de lui à la cour. A sa décharge, peu de gens se préoccupaient d’autre chose que d’eux même en ces lieux. Ici, il avait un visage expressif et naïf, rayonnant parfois, triste et sombre souvent curieux, mais également brodé de milles autres expressions. C’était en un mot déboussolant.

Il passa outre de peur de perdre la face. Il était plus à l’aise lorsqu’l tentait d’impressionner la dryade, non sans un succés relatif.

« A présent, il faut fusionner un réactif. D’une façon générale, plus le réactif provient d’une source puissante, plus l’enchantement le sera. L’intention est primordiale. Il faut pousser le réactif dans sa nature en harmonisant son essence à la capacité de catalyse de la pierre. Il faut savoir qu’il est difficile de déterminer à l’avance l’effet que pourra avoir un réactif pris au hasard. Une part de chance est également de la partie pour la plupart des réactifs. Quelle est l’essence d’une noisette ? Nourrir ? Pousser ? Grandir ? Fait elle partit de l’arbre où forme-t-elle un tout autonome. Quelle est sa raison, son phénomène premier. Cela explique pourquoi certains sont plus stables, leur essence est plus prononcé et l’effet est plus généralement le même. Une glande de rolron par exemple est spécialement équipée pour arracher et dissoudre les chairs. On peut l’utiliser pour faire des dégâts de manière quasi-certaine.
Essayons avec notre noisette.
Hubert respira à grandes bouffées avant de se lancer dans un sort complexe. La noisette posée sur le cristal rentra doucement en résonnance avec lui. Le cristal commença doucement à vibrer et avec lui une lueur jaunâtre prit forme, de plus en plus vive jusqu’à devenir éblouissante. Encore quelques mots, et l’intendant cessa de marmonner son incantation.

« Voilà annonça-t-il fier de lui, c’est fini »

La dryade avait du mal à regarder la vive lumière de face. L’intendant était à peine moins surpris qu’elle. L’enchantement était trop puissant pour une noisette, c’était improbable comme effet. Il devait y avoir anguille sous roche

BAM !

Le cristal explosa. L’intendant soupira.

Je suppose que cette noisette était là pour son coté éphémère, elle a donné la vie avant de refaire partie du tout élémentaire. Je vais vous faire une liste d’éléments utilisés couramment, sentez vous libre de venir essayer si vous le souhaitez.

La dryade rit joyeusement. Elle essayerait à l’occasion. Il lui fallait bouger a présent. Cela faisait bien trop de temps qu’elle était immobile devant cette table.

Arkazo’k.